Espagne: un million de foyers en difficultés de paiement des factures d’eau en 2013

AEAS, l'Association espagnole de l'approvisionnement en eau et de l'assainissement reconnaît qu'en Espagne 970 000 foyers ont reçu un avis de coupure d'eau durant la dernière année. AEAS extrapole ce chiffre à partir d'une enquête portant sur 100 000 compteurs d'eau. Selon AEAS, pour ces 100 000 compteurs, il y aurait eu 5128 avis de coupure d'eau et 180 finalement exécutés.

Si ces chiffres sont justes, cela représenterait le double des calculs effectués par les organisations de défense de l’eau comme droit humain. Elles ont lancé cette année une campagne alertant sur le fait qu’un demi-million de foyers sont dans l’impossibilité de payer leur facture en Espagne. De fait, dans la logique des chiffres de l’AEAS, 50 000 foyers seraient sous la menace de coupures préventives d’eau, soit 3 500 familles privées d’accès à l’eau potable chaque mois.

Selon la juriste Maria Jiménez, cette situation vient du fait que “les mairies n’assument plus leurs fonctions lorsqu’elles décident de privatiser la gestion de l’eau. Elle rappelle que “la réglementation sur les coupures ne dépend pas de l’entreprise délégataire mais de la municipalité.” Elle met l’accent sur des situations “parvenues à [sa] connaissance” d’entreprises qui fournissent au conseil municipal un règlement qui autorise la coupure de l’eau, “ce qui est admis sans difficulté par les représentants politiques”.

La juriste critique aussi le fait que les entreprises “donnent des fonds à des associations comme Caritas ou la Croix rouge” pour empêcher les coupures. “C’est une mesure d’assistanat qui ne règle pas la question du droit universel à l’accès à l’eau, c’est une façon de privatiser la pauvreté”,  dit-elle.

Le président de l’AEAS, Fernando Morcillo, refuse que soit appliqué le concept de “pauvreté hydrique” à l’Espagne, car “le secteur dispose de mécanismes d’action sociale qui assurent le respect du droit à l’eau”. Les entreprises délégataires de la gestion du service public de l’eau potable ont présenté aujourd’hui une nouvelle enquête sur la distribution de l’eau et l’assainissement en Espagne. Elles y soulignent que c’est le manque d’investissements publics qui “est responsable de la détérioration des infrastructures de l’eau”. Pour ce qui est des coupures d’eau, elles se défendent en soutenant qu’il faudrait en Espagne environ 5 500 aides sociales (concernant 14 000 personnes) pour régler le problème.

Pour Luis Babiano, administrateur de l’Association espagnole des opérateurs publics de l’approvisionnement en eau et d’assainissement (AEOPAS), ces chiffres sont manipulés car les entreprises utilisent ces données pour “nier le problème et ne pas voir les questions de fond”. Et il affirme : “Nous parlons d’un service public et d’un droit de l’homme, ce qui est important, ce n’est pas la coupure d'eau en soi, mais que les gens se sentent menacés s’ils ne peuvent pas payer”.

Traduction en français d'un article de Marea