Commentaire sur l’article 1.9 du CETA

 

Traduction en français d'un commentaire écrit en anglais par

Gus Van Harten
Professeur, Osgoode Hall Law School

La dernière clause de l'article 1.9 du CETA indique très clairement que l’accord s'applique à l'eau lorsqu'elle est utilisée commercialement. En conséquence, le chapitre relatif aux investissements et l'ISDS (le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États, renommé ICS dans la version finale du CETA) s'appliqueraient à de telles situations.

Dans ce cadre, on peut spéculer raisonnablement sur les domaines de la réglementation de l'eau qui seraient implicitement soumis aux risques financiers publics et aux pressions réglementaires exercées par les propriétaires étrangers d'actifs liés à l'eau, grâce à la mise à disposition de l'ISDS.

Il est aussi possible d'identifier les cas existants d'ISDS qui concernent l'eau, tels que (a) la réglementation, la propriété ou l'exploitation des réserves d'eau publiques, en particulier dans les situations de propriété ou d'exploitation privatisées, (b) la réglementation des eaux soumise à un accord commercial avec un investisseur étranger. Je connais divers cas impliquant (a) et un autre portant sur (b).

Il existe également de nombreux cas d'ISDS relatifs à des conflits sur des ressources qui affectent l'eau, comme par exemple lorsque des activités minières sont limitées en raison d’une pollution potentielle de l'eau. Ces cas d’ISDS sont connus. Bien sûr, nous pouvons raisonnablement estimer qu'il y a beaucoup plus de cas inconnus dans lesquels la menace de l'ISDS derrière les coulisses affecte la prise de décision ou conduit à des arrangements avec l'État.

Je suis au courant d'un cas en Ontario, basé sur des interviews avec des représentants du gouvernement présent et passé, dans lesquels les propositions de redevances sur le prélèvement d'eau souterraine (principalement par de grandes entreprises d’eau en bouteille) ont donné lieu au sein du gouvernement à une longue analyse des risques liés à l'ISDS en vertu de l'ALENA. Des propositions de redevances d’un montant dérisoire ont été faites en partie pour rendre les risques ISDS très faibles. Des redevances plus élevées sur le prélèvement d'eau ont donc été écartées en raison de l’ISDS.

Un bref exposé de la situation générale indique que l'article 1.9 est très clair: l’eau, lorsqu’elle est suffisamment liée à des activités commerciales peut - selon les tribunaux de l’ISDS qui tendent à favoriser le point de vue des investisseurs requérants lorsqu'ils interprètent les ambiguïtés dans le libellé du traité - être considérée comme un «actif» ou un «investissement», ce qui déclenche la série de droits des investisseurs étrangers et de protections vis-à-vis de l’activité réglementaire offertes par l'ISDS.